A la rencontre des BERGERS SAMBURUS

Gilles Laurent

Gilles LAURENT, quel est votre parcours africain ?

Après de nombreux voyages à travers l’Europe, une passion d’alors me conduit en 1998 sur le continent africain au Malawi, pour une exploration des fonds sous-marins du lac éponyme à la découverte de ses fabuleux cichlidés. La découverte de l’Afrique est un choc pour moi, je n’aurais alors cesse que de me projeter d’y repartir….

Ayant testé tous types de voyages, c’est définitivement le voyage à pied qui me convient le mieux.

Mes chaussures me conduiront tour à tour au Sénégal, au Maroc, en Algérie au cœur du Sahara, puis en 2006, poussé par la lecture et le visionnage d’Africa Trek je découvre le Nord Kenya pour un premier voyage à pied.

Justement, qu’y avez-vous découvert ?

Je crois que spontanément je dirais l’Afrique sauvage dans son authenticité la plus originelle. Les zones semi-désertiques du Nord-Kenya sont méconnues, mais pourtant très riches culturellement et ses paysages sont fabuleux. On y croise de nombreuses tribus telles que les Turkanas, les Samburus, les Rendilles ou encore les rescapés de la tribu El Molo au bord du lac Turkana. Tous vivent de manière très traditionnelle ; ils sont pour la plupart semi-nomades.

Femme Turkana
Femme Turkana

L’horizon est garni de déserts, de volcans et de rivières asséchées. Le mystère et la rencontre sont permanents.

Et vous décidez donc d’y retourner ?

Oui, j’avais un goût de trop peu à mon retour. Je voulais tout d’abord tenir des promesses que j’avais faites aux habitants d’un petit village perdu à l’orée de la Vallée de la Suguta près du lac Logipi, je souhaitais découvrir la forêt primaire et les mystérieux alpages des sommets du Mont Nyiru, et enfin partager le quotidien des bergers Samburus dans la Milgis River aux abords des monts Ndoto et des Mathews Range.

Je n’ai pas été déçu tant ce que j’ai pu y vivre fût unique. Les pistes sont dures et chaudes, mais les rencontres et les accueils sont chaleureux. Le voyage à pied permet d’être l’égal des populations rencontrées.

Parkati – Danses Turkana
Parkati – Danses Turkana
Le contact est facilité. C’est ainsi que je suis alors reparti sur mes traces.

 

En quoi le nord Kenya est il différent du reste du pays ? N’est-il pas dangereux de s’y rendre ?

La partie sud du Kenya est bien connue pour ses grandes et magnifiques réserves, ses animaux, sa végétation diverse et parfois verdoyante. Le Nord est plus hostile, et à part le Samburu National Park, n’est que très peu parcouru par les voyageurs. Les plus courageux roulent jusqu’au lac Turkana, mais sans trop s’enfoncer dans le bush.

Il est vrai que les pistes sont rudes et le climat intensément chaud. Il n’y a pas ou très peu de routes. Les étendues sont immenses et les points d’eau parfois rares. De nombreux animaux y vivent en toute confidentialité.

Entre les Ndotos et les Mathews Range
Entre les Ndotos et les Mathews Range

Il n’y a pas de danger, mais dans ce type d’itinéraire, il faut savoir faire face à l’éloignement des pistes et des grandes villes. Si on est bien accompagné d’un guide local, les populations vous accueillent sans méfiance ni animosité aucune. Il reste alors à établir le contact, à expliquer d’où on vient et pourquoi on y vient à pied.

Comment avez-vous organisé ces expéditions ?

Morane Samburu dans la Milgis River
Morane Samburu dans la Milgis River

Je me suis appuyé les 2 fois sur une petite coopérative anglo-kenyane nommée wanderingnomads, spécialisée dans les treks sur les sentiers du nord Kenya. Leur connaissance du terrain est parfaite et ce sont de véritables treks « à la carte » que j’ai pu réaliser avec eux.

Ils ont mis à ma disposition un guide Turkana pour la zone du lac Turkana et un guide Samburu pour les régions peuplées de cette tribu. Nous portions de quoi être en autonomie pendant 2 jours consécutifs. Une voiture nous assurait du ravitaillement à des points de rencontre fixés à l’avance.

 

Si vous deviez résumer ce voyage ?

 

Un résumé…. Je pense que ce serait : Terre brûlante. Terre sèche. Terre mystérieuse et envoûtante…. Retour dans les villages perdus et oubliés de la route du lac Turkana… Ascension d’une montagne sacrée aux alpages secrets et fertiles… Découverte d’oasis inattendues… Marche dans la rocaille, dans le bush épineux, dans les rivières asséchées…

Bivouac dans les empreintes d’éléphants
Bivouac dans les empreintes d’éléphants

Bivouac dans les empreintes d’éléphants… Rencontres d’hommes et femmes unis dans un pourpre éclatant… Chaleur dans les regards et dans les cœurs… Journées brûlantes et douloureuses pour l’organisme….. Tranche de vie… Quelques semaines dans les émotions de la vie africaine, dans la plénitude de l’effort pédestre, dans un environnement pas vraiment fait pour ça …..

Pourquoi avoir entrepris la rédaction de ce 2ème carnet de voyage ?

Comme je le disais, le nord Kenya est une zone méconnue. Le but n’est pas que les voyageurs s’y rendent en masse et qu’elle devienne un haut lieu du tourisme. Cela ne sera fort heureusement jamais le cas. Ce carnet de voyage se veut être avant tout un témoignage sur la vie dans ces contrées sauvages. Il est nécessaire de faire prendre conscience de la beauté, de la richesse mais aussi de la fragilité de cette région.

En effet, depuis plusieurs années sévit une forte sécheresse dans le nord Kenya. Les populations s’appauvrissent car le bétail meurt. Dans le même temps des multinationales s’apprêtent à s’y enrichir puisqu’on vient de découvrir un énorme gisement de pétrole à l’Ouest du Turkana, qu’une ferme d’éoliennes gigantesque va voir le jour près du mont Kulal et qu’un projet de construction d’un barrage pharaonesque est en cours dans le Nord du lac Turkana.

Femme Samburu dans la Milgis River
Femme Samburu dans la Milgis River

Tout ceci contribuera vraisemblablement à fragiliser encore plus les populations nomades, et ce, malgré les promesses du gouvernement. Il faut donc parler du Nord Kenya !

Si en plus, mon carnet de voyage peut faire rêver ses lecteurs, alors ce n’en est que mieux.

Gilles, c’est pour nous un véritable honneur de vous avoir en reportage. Que d’humilité et simplicité de votre part ! Il est évident que notre site Kenya-Tanzanie.com, à destination de ces contrées se doit d’amplifier haut et fort votre cri d’alarme :

« Il faut donc parler du Nord Kenya ! »

 

Un énorme remerciement pour toutes ces photographies apportées de votre part à notre album photographique (lien à venir). Découvrir la totalité de ce récit en lecture, images ou vidéos

=> suivez le guide : Gilles Laurent ! (lien hs !)