né le : 21.03.1938 à Châlons sur Marne
Ordonné prêtre en 1962
Faculté de médecine : 1972 – 1978
Docteur en : fin 1978
Ethiopie : fin 1978
Tanzanie : 1993 – 1996
Madagascar : 1996 – 2002
Retour en France : Août 2002
La Tanzanie est un beau pays mais on y meurt beaucoup
Michel Morlet
Ikonda à côté de Njombe a été l’endroit où j’ai exercé.
Situé en bas de la Tanzanie à la frontière du Malawi, nous travaillions en collaboration dans un hôpital tenu par des Pères italiens de la Consolata.
250 lits avec un flot incessant de malades dont plus de la moitié étaient porteurs du sida.
A l’époque, pas de médicaments concernant ce problème, juste la possibilité de donner de l’information.
Mais… que vaut là-bas l’information ?
Oui, bien sûr l’information était vitale à faire passer mais malgré cela, 2 infirmières travaillant avec nous étaient atteintes. Il faut bien comprendre qu’au fin fond de ce pays, typique de la Tanzanie, il y a une certaine réserve envers le mariage.
Peut-être dans les villes, certains prenaient leurs précautions mais dans les villages, c’était fort loin d’être le cas.
Qu’est-ce qui a motivé à la base votre engagement ?
Je suis prêtre, professeur d’écritures saintes et l’assistance aux plus démunis comme écrit dans la bible est très importante à mes yeux. D’autre part, je ne souhaitais nullement être enfermé ni être prof toute ma vie dans un séminaire.
Vers 40 ans, je suis parti en Ethiopie et je me suis spécialisé dans la lèpre.
Quel est votre sentiment personnel envers la situation médicale tanzanienne en ce moment par rapport à avant. Est-ce que cela s’améliore ou …?
(Après un long moment de silence…) Difficile à dire. Du point de vue des maladies traditionnelles, là où j’ai été, l’on peut dire que les choses s’améliorent mais cela dépend des pays.
Par exemple, la maladie du sommeil a été beaucoup mieux contrôlée losque c’était encore les colonies : la France. Il y a désormais une recrudescence.
Le problème, dans les dispensaires est d’avoir en premier lieu un personnel formé, adapté mais bien souvent étranger et oh combien surtout des médicaments fournis par l’état. L’inconvénient est qu’il n’y avait aucun médicament.
Un dispensaire vaut très cher à faire fonctionner sans oublier que son coût de création n’est pas donné.
La construction du logement des infirmières. Un four à briques de 20m x 5m avec une épaisseur de 15 briques de hauteur. Des milliers de briques, 48 heures de chauffe, des troncs de 5 mètres…
Pouvons-nous chacun de nous apporter des médicaments et dans ce cas lesquels et bien sûr à qui les donner ?
Bien entendu. Des antibiotiques en tous genres. Il faut savoir qu’il y a moins de résistance dans ces contrées que chez nous. Exemple : avec de la pénicilline soit à Madagascar ou en tanzanie, l’on soignait la pneumonie. Et on les guérissaient tous, alors qu’en Europe, cela n’existe plus.
Une chose importante bonne à savoir :
Ne pas arriver avec un stock complet de médicaments. Vous risqueriez d’avoir des problèmes à la douane. Que ces derniers soient à l’intérieur de vos bagages.
Quant à qui les donner, surtout pas à vos guides de safari. Tous ne sont pas malhonnêtes loin de là, mais la tentation de les revendre serait trop forte. Plutôt à des ONG.
Quelle est votre philosophie après toutes ces années passées ?
D’abord, le mérite il n’y en a pas. Pour un médecin, c’est à mon sens 100 fois plus intéressant d’aller travailler là-bas que de travailler en France. Aucune administration qui vous tenaille à chaque instant.
Lorsque vous travaillez en brousse, vous cotoyez toutes sortes de situations. L’éducation, le regard des gens qui en disent long, des situations trop fréquemment problématiques où vous ne pouvez compter que sur vous-même…
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ATTENTION
NE LES OUVREZ PAS
Il est évident que lorsque l’on fait ce choix comme vous l’avez fait, on arrive à la retraite beaucoup moins riche financièrement que certains de ces collègues mais que côté richesses à transmettre…
Comme vous le dites, c’est évident. Une chose que j’ai retenue : il n’y a pas de pauvres en France.
Je m’explique : des pauvres il y en a mais la pauvreté, c’est toujours relatif par rapport à une richesse. Il est vrai qu’il y a des personnes qui ont une vie très difficile ici en France mais une pauvreté comme celle que l’on peut rencontrée en Afrique : il n’y en a pas, il n’y en a pas.
Là-bas, il y a des gens qui meurent de faim parce qu’ils n’ont strictement rien à manger.
Le nombre des consultations variaient entre 50 voir 100 et même plus par jour.
Un exemple fort parmi tant d’autres dont je me souviens lorsque j’étais en Ethiopie, une femme m’ayant amené son enfant le portant sur son bras dans une couverture : 4 ans 7 kilos, la peau et les os. Je ne raconte pas d’histoire : la peau et les os… elle avait une tuberculose.
Et combien comme cela ?
Votre réaction face aux croyances, magie noire, guérisseurs en tous genres en milieu rural isolé africain ?
Je ne dirai pas de mal de ces personnes-là. Bien entenu, il y a en des plus ou moins efficaces mais un souvenir me revient. Celui du temps où travaillant en clinique, j’envoyais des malades à un rebouteux local. Tout ce qui était fractures, je lui envoyais parce qu’il refaisait cela à merveille.
J’ai pris exemple sur lui. Il n’avait pas de plâtre, il coupait des roseaux et les plaçaient à l’endroit de la fracture. On peut affirmer qu’il guérissait très très bien ces patients.
Il n’y a pas si longtemps, à Madagascar : A Madagascar comme en Afrique, les enfants ont des tumeurs. Sous formes différentes à chaque fois, mais celle qui nous intéressait à ce moment-là se localisait sur le maxilaire inférieur ou supérieur et la face de l’enfant au fil des jours s’en trouvait déformer petit à petit. Que vouliez-vous que l’on fasse ? on ne savait pas quoi faire ?
Par Internet, j’ai demandé en France quels médicaments il fallait. Je les ai commandé pour l’ordre de Malte afin qu’ils me les envoient, il faut trois mois.
Pendant ce temps, la tumeur grossissait et la mère me suppliait de l’aider. Je donnais de la pénicilline à l’enfant tout en me doutant que celle-ci ne donnerait probablement aucun résultat.
3 mois passèrent, je reçus les médicaments et convoqua la mère avec l’enfant.
Plus rien, ce dernier était guéri. Intrigué, je lui ai demandé ce qui s’était passé où qui elle avait consulté. Un rebouteux local lui avait conseillé de l’huile de caïman.
De L’huile de caïman, était-ce vraiment cela qui l’avait guéri ? Nous n’en savions rien, mais en attendant, il était guéri.
Bien sûr, cela ne fonctionne pas à tous les coups mais on a beau dire, des fois…
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La compréhension du langage était-elle un barrage à des soins adéquats?
On arrivait à se comprendre du fait que je parle plusieurs langues : éthiopien, kiswahili, italien, malgache et français.
Parti depuis 1978 dans le but de servir les plus démunis, revenu en France en 2002, aujourd’hui en 2005 quel regard avez-vous par rapport à ce retour ?
Je suis rentré parce que j’avais l’âge de la retraite et le désir de rentrer dans mon diocèse. Etre encore utile. Il est certain que l’Afrique est une autre atmosphère. L’Afrique est beaucoup plus nature, la nature n’a pas été apprivoisée là-bas. A mon arrivée en France, j’ai eu l’impression d’arriver dans un jardin avec des champs bien délimités, tous faits en carrés ou formes rectangulaires.
On ne vit plus ici en France, on est esclaves. Exemples :
– Les paysans de nos jours font beaucoup plus d’administration, de papiers que leurs champs.
Là-bas, c’est tout le contraire…
– Du point de vue catholique, parce que c’est ma partie quand même, dans les églises on gèle, on ne voit pratiquement que des personnes agées et c’est à peine si on entend chanter.
Là-bas, les églises sont ouvertes, il y a des jeunes et les vitraux tremblent sous le chant. La religion est très présente.
De par ce reportage, nous vous offrons la possibilité de vous exprimer pleinement. Sans censure, sans retenue, un coup de coeur, une réaction… dites-nous ?
Bonne question pertinente et merci de me l’avoir posée. Je répondrai :
(long silence…) C’est sûr qu’il n’y a pas d’avenir pour le monde si il n’y a pas d’avenir pour l’Afrique. Parce que, encore un fait, les gens en France lorsque l’on leur demande de se délocaliser ou changer de place ne serait-ce que 200 kilomètres, c’est toute une histoire. Mais attention, il est vrai que ce n’est pas facile. Il faut retrouver un logement……
regarder des africains qui font 3000, 4000 voir 5000 kilomètres pour venir chercher un travail en France et cela au risque de leur vie.C’est pas pour s’amuser qu’ils viennent en France, c’est tout simplement parce qu’il n’y a aucun autre espoir pour eux.
Est-ce que l’on se rend compte de cela quand même ?
Ce n’est pas facile à entendre toutes ces vérités mais le plus écoeurant est que lorsque l’Afrique reçoit de l’aide, 50% vont dans les poches de ceux qui gouvernent.
On le sait, c’est sûr !!!
C’est pareil pour bien des pays sauf quelques uns. En Tanzanie, le chef de l’état au moment de l’indépendance, Mr Nyerere est ressorti aussi pauvre qu’il était entré au gouvernement. Il y en a quelques uns comme cela.
Se développer avec eux, créer des partenariats, et c’est là l’occasion d’adresser un formidable coup de chapeau à toutes les ONG qui font un travail remarquable meilleure que l’aide publique.
Il faut surtout de la continuité, de la patience…
Mettons-nous à rêver et imaginons que demain tous sans exception, y compris au plus profond de la brousse vont, c’est sûr, regarder cet interview. Qu’aimeriez-vous leur dire ?
(longue réflexion et d’un air grave…) « Prenez votre destin en mains ».
Non, mais c’est vrai, ils ont l’avenir pour eux, il y a des richesses en Afrique, ce n’est pas croyable !!!
Sentez-vous citoyens de votre pays. Les traditions, c’est beau. Moi, je veux bien bien les traditions mais les démocraties telles qu’elles se sont créées en Afrique, ce sont des démocraties qui ont gardées toutes les traditions africaines en prenant ce qu’il y a de plus mal, je dirais de ce qu’il y a plus mal en soi, en europe.
Ils ont trop le sens de l’autorité. Là-bas, ils ont encore le respect des chefs, de l’autorité.
C’est bien si vous voulez mais ils ont a contrôler cette autorité. Faire la différence entre celui qui va leur donner une paire de chaussures et celui qui va véritablement prendre leur destin en mains, leur offrir un avenir…
Pour conclure, une question identique à la précédente, mais cette fois-ci envers les gens que vous connaissez et qui par pur hasard risque d’arriver sur cette page.
Allez en Afrique, mais n’allez pas avec des agences de voyages. Allez par vos propres moyens, déplacez-vous dans le pays, les gens sont toujours très très accueillants et c’est comme cela que vous découvrirez le pays.
Mr Michel Morlet, c’est avec une grande fierté que nous acceptons de publier votre interview. Certains membres du forum de Kenya-Tanzanie.com au courant de notre entrevue se joignent à moi pour vous exprimer toute notre reconnaissance et vous souhaiter une très longue continuité au sein des oeuvres que vous allez entreprendre.
C’est avec plaisir également que nous vous ouvrons les portes de notre forum afin que toute personne désirant communiquer avec vous (le forum datait de 2005 et n’existe plus !) puisse le faire. Vous y êtes le bienvenu. Encore merci